DEMEUREZ DANS MON AMOUR ET VOUS PORTEREZ DU FRUIT


L’Evangile de Jean, chapitre 15, versets 1 à 17, que nous lisons ce matin dans le cadre de la Semaine de Prière pour l’Unité des chrétiens nous rappelle que c’est le Christ lui-même qui est le véritable hôte de nos vies. Dans notre langue française, le terme « hôte » désigne la personne qui offre l’hospitalité, qui reçoit quelqu’un, aussi bien que l’invité qui est reçu. Il peut donc y avoir quiproquo lorsque nous disons que Jésus est l’hôte de nos vies. Qui est l’hôte de qui ?

Dans nos Eglises évangéliques où nous aimons rappeler, à juste titre, l’importance d’accueillir personnellement, par la foi, Jésus dans son cœur, nous pouvons donner l’impression que c’est Jésus qui a l’honneur d’être invité chez nous. Et, à ce Jésus qui a l’honneur d’être chez nous l’invité, disons-nous peut-être cette célèbre phrase de l’écrivain français Jules Renard : « Vous êtes ici comme chez vous, mais n’oubliez pas que j’y suis chez moi. » En d’autres termes, nous restons maîtres en notre demeure.

Or, ce matin, l’Evangile rétablit le véritable mouvement de l’hospitalité en nous invitant à nous situer du point de vue de Jésus. Que découvrons-nous de ce point de vue 

En premier lieu, nous découvrons que c’est Jésus, l’hôte véritable, qui nous fait l’insigne honneur de nous inviter dans sa demeure : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis… » (Jn 15.16)

Ensuite, nous réalisons que cette demeure il ne nous l’a fait pas seulement contempler de loin, il nous invite à y demeurer : « Demeurez dans mon amour… » (Jn 15.9). Mais qu’est-ce à dire ? Le texte fournit quelques pistes que nous explorerons. En fin, nous découvrons que demeurer en Christ, loin de nous enfermer, nous oriente vers les autres, afin qu’en portant du fruit, nous manifestions la gloire du Père et soyons en bénédiction au monde.

Demeurer en Jésus, c’est être en communion avec lui

Notre passage insiste sur l’importance de  « demeurer », et pour être encore plus précis, il s’agit de « demeurer en moi » et ce « en moi » est essentiel, puisqu’il s’agit du Christ lui-même qui se présente comme notre demeure.  Pour qui est cette invitation à demeurer « en moi » ? Celles et ceux que Jésus invite à demeurer en lui ne sont pas des personnes quelconques, mais ses disciples, c’est-à-dire des personnes qui cheminent à la suite de Jésus, notre Seigneur et maître. 

Nous sommes dans le contexte du second discours d’adieu. Jusqu’ici, les disciples ont cheminé dans la présence physique de Jésus. Mais voici qu’approche son heure, celle de la croix où le fils va être élevé… Face à la croix et à la perspective de son retour vers le Père, les disciples désemparés, redoutent de se retrouver seuls. Jésus veut que ses disciples sachent qu’ils ne sont pas tous seuls, mais « en lui », et que cette communion profonde ne peut être altérer par la mort elle-même.

Pour nous instruire de cette communion profonde qui nous unit à l’amour inaltérable du Dieu trinitaire, l’image bien connue de la vigne nous est proposée. Dans l’Ancien Testament, la vigne désigne souvent le peuple élu de Dieu. Le prophète Esaïe en parle dans le fameux « chant de la vigne » (Cf. Esaïe 5).  La vigne de l’Eternel n’a pas porté les bons fruits qui étaient espérés par le vigneron, en dépit de tous les soins qu’elle a reçus. 

Dans la perspective de l’évangile que nous lisons, la vigne ne désigne plus le peuple élu, mais le Christ lui-même. C’est lui l’unique et véritable plan de vigne qui porte les sarments que sont les membres du  peuple de Dieu unis au Christ. Il est le véritable « plan de Dieu » (non pas la bouteille de vin rouge !) de qui coule la sève, la vie donnée qui vivifie chaque sarment relié à lui, et par lui, à tous les autres.

L’image de la vigne et des sarments nous enseigne donc que demeurer en Christ nous renvoie à cette communion mystérieuse, intime, qui existe entre le Père et le Fils d’une part et entre le fils et nous d’autre part.

Demeurer en Christ c’est trouver le lieu de notre véritable demeure, là où le Père déverse la plénitude de son amour et de sa grâce, et nous révèle qu’en Christ, nous sommes devenus, nous aussi, ses enfants bien-aimés (Jn 1.1-18).

Demeurer en Christ n’est donc pas d’abord quelque chose que nous faisons, mais un don que nous recevons : la grâce de la communion vivifiante en Christ, notre Seigneur.

Demeurer en Jésus en se laissant transformer par la Parole

Sans la Parole du Christ nous ne pouvons vraiment demeurer dans son amour. Aussi Jésus nous dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera ; nous viendrons vers lui et nous établirons domicile chez lui. » (Jn 14.23)

C’est par sa Parole que Dieu nourrit nos vies. Sa parole émonde en nous ce qui doit mourir, elle purifie ce qui doit l’être, afin que se déploie davantage la vie du Christ en nous. Accueillir la parole du Christ, c’est devenir à notre tour hôte du Christ, en l’accueillant lui-même dans notre demeure. La parole du Christ comme la sève qui nourrit les sarments, est une véritable nourriture pour nos âmes. Plus nous aimons le Fils, plus nous nous approprions sa parole. C’est elle qui nous fait grandir dans la connaissance intime de l’amour du Père. Jésus lui-même nous indique le lien qui existe entre l’amour du Père et l’amour de sa parole

« Si vous gardez mes commandements, vous demeurez dans mon amour, de même que j’ai gardé les commandements de mon Père et que je demeure dans son amour. » (Jn 15.10)

 En demeurant dans la parole du Christ, nous entrons en dialogue avec le Père au moyen de la prière. Le Christ nous le montre lui-même dans la grande prière qu’il fait monter vers le Père  (cf. Jn 17).  Notre prière n’est ni un moyen de marchandage, ni un moyen de pression à faire valoir dans notre rapport au Père céleste. Mais unit à la Parole du Christ, notre prière recherche avant tout ce qui est sur le cœur du Père. Tout ce que veut le Père, il veut nous le donner. Or que veut le Père ? Que nous demeurions dans son amour et que nous portions des fruits.

Demeurer dans l’amour de Jésus pour porter du fruit

Notre texte insiste aussi sur l’importance de porter du fruit. Vous remarquerez qu’il parle du fruit au singulier, nous évitant ici le piège d’entrer dans une logique comptable concernant l’activité pourtant abondante des disciples.

Ceux-ci sont d’abord invités à se voir comme des sarments attachés au Cep. Que peut faire le sarment pour rester attaché au Cep ? Pas grand-chose. L’image souligne donc d’abord la radicale dépendance qui est celle du disciple à son maître. L’attachement au Cep est de l’ordre de la grâce, donc de la gratuité aussi. Toutefois, la grâce de Dieu féconde nos vies et produit en nous un fruit abondant.

Pour porter du fruit les disciples ne manquent pas de ressources. Unis au Christ, ils bénéficient d’une communion vitale qui vitalise leur vie. C’est dans la mesure que les disciples restent attachés au Cep qu’ils porteront d’autant plus le fruit, car « sans moi vous ne pouvez rien faire » dit Jésus (Jn 15.5)

La fécondité des disciples manifeste au monde la gloire du Père : « Ce qui manifeste la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit. Vous serez alors vraiment mes disciples. » (Jn 15.8) 

Tout comme l’on reconnaît un manguier à la mangue qu’il porte, ainsi les disciples sont, par leur attachement au Christ, par leur style de vie et la qualité des relations qu’ils vont vivre entre eux et au sein du monde, appelés à manifester, à faire connaître le Père.

C’est là que la priorité donné à l’amour et rappelé dans ce passage prend encore une plus grande importance. L’amour est au cœur des relations entre le Père et le Fils d’une part, entre le Fils et les disciples d’autre part, et est encore donné comme la voie royale du témoignage dans la mesure où les disciples le vivront entre eux.

« Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner votre vie pour vos amis. » (Jn 15.12-13)

Nos rivalités, nos ruptures, tout ce qui nous empêche de vivre à la lumière de cette parole révèle en nous un déficit de l’amour de Dieu et du prochain. Quand les disciples perdent de vue l’importance de cultiver cet amour, leur communauté n’est plus alors le lieu de la glorification du Père, mais elle devient scandale, pierre d’achoppement pour ceux qui cherchent le Seigneur. 

A contrario, lorsque nous vivons en disciples du Christ à l’aune de l’amour du Père, nous grandissons aussi en amour du prochain. En effet, l’amour du Christ nous conduit toujours à aimer nos frères et sœurs en Christ et en humanité. 

Bien-aimés, il y a une seule vigne, un seul Cep qui est le Christ. Nul de nous, aucune Eglise ne peut s’approprier ni la vigne, ni le Cep, à l’exclusion des autres. Christ seul est le vrai plan de vigne et nous sommes individuellement et collectivement ses sarments appelés à demeurer unis à lui et à porter un fruit abondant qui glorifie notre Père céleste. Puisse l’Esprit du Christ nous aider à demeurer dans son amour, unis au Christ et les uns aux autres, afin que le Père soit glorifié par nos vies et que le monde croie qu’il nous a envoyés.

Auteur : Pasteur Paul EFONA