PRIER POUR LE PAYS, PRIER POUR TOUS !


Introduction

Chers frères et sœurs, c’est avec joie que je me joins ce matin à votre assemblée et en ce début d’année, je vous adresse mes vœux de paix et d’espérance dans le Seigneur.

Dans le cadre de la Semaine Universelle de Prière que nous clôturons ce dimanche, nous sommes appelés ce matin à prier pour notre pays, c’est aussi un appel à prier pour tous !

Un appel qui rejoint l’une des exhortations que l’apôtre Paul, au tournant des années 62 à 65 de notre ère, adresse à Timothée, son fils spirituel, alors jeune responsable de l’Eglise d’Ephèse. Je vous invite à lire ensemble cette exhortation qu’on retrouve dans la première épître de Paul à Timothée, chapitre 2, versets 1 à 7

Lecture 1 Timothée 2 : 1 à 7

1J’encourage donc, en tout premier lieu, à faire des requêtes, des prières, des supplications et des actions de grâces pour tous les humains, 2pour les rois et pour tous ceux qui occupent une position d’autorité, afin que nous menions une vie paisible et tranquille, en toute piété et en toute dignité. 3Cela est beau et agréé de Dieu, notre Sauveur, 4qui veut que tous les humains soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. 5Car il y a un seul Dieu,  et aussi un seul médiateur entre Dieu et les humains, l’humain Jésus-Christ, 6qui s’est donné lui-même en rançon pour tous : c’est le témoignage rendu en son temps, 7en vue duquel, moi, j’ai été institué héraut, apôtre (je dis la vérité, je ne mens pas) et maître pour les non-Juifs, dans la foi et la vérité.

Paul, homme de prière

Pour qui est familier aux lettres de l’apôtre Paul, cette exhortation à donner priorité à la prière n’est pas surprenante. La prière a effectivement tenu une place importante dans le ministère de l’apôtre et dans le corpus de ces écrits.

Sa piété marquée d’abord par le judaïsme dans lequel il excellait l’y avait sans doute disposé. Mais sa rencontre avec le Christ, ensuite a dû jouer un rôle décisif dans l’expérience qu’il fit de la prière, non comme un exercice ou un devoir religieux, mais comme le lieu de l’approfondissement de sa relation avec le Dieu d’amour et de grâce qui lui a manifesté sa miséricorde en Jésus-Christ. La prière est le lieu où se prépare la mission, le lieu où nous investissons les ressources spirituelles qui nous sont données par le Seigneur pour tenir bon et tenir ferme au jour mauvais. Je pense ici à ce qu’il écrit aux Ephésiens :

« Enfin mes frères et sœurs, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans sa force toute-puissante. Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu afin de pouvoir tenir ferme contre les manœuvres du diable […] Faites en tout temps, par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance et en priant pour tous les saints. Priez pour moi afin que, lorsque j’ouvre la bouche, la parole me soit donnée pour faire connaître avec assurance le mystère de l’Evangile. »

(Eph 6.10-11,18-19)

Avant toute chose : la prière !

Revenons à notre texte. L’exhortation de l’apôtre commence par le rappel d’une recommandation qui n’est pas périmée : donner avant tout priorité à la prière. C’est « avant toute chose » ce que Paul voudrait que Timothée mette en œuvre dans l’Eglise. Que Paul l’écrive ainsi à Timothée, suggère que l’établissement de la prière « avant toute chose » comme une priorité dans les préoccupations pastorales de Timothée tout comme dans le vécu de l’assemblée chrétienne n’allait pas de soi.

Timothée a pu se laisser débordé par d’autres préoccupations toutes aussi importantes les unes que les autres : l’organisation de la vie de la communauté, la mise en place d’un certain ordre dans les réunions de l’assemblée, les préoccupations relatives au recrutement et à la formation de nouveaux responsables, la gestion des relations et des conflits inhérents à tout groupe social, l’épineux problème des faux enseignants qui rependaient de fausses doctrines, etc.

Nous aussi, nous avons besoin d’entendre à nouveau cette exhortation qui nous rappelle la priorité que nous devons donner à la prière. C’est parce que beaucoup d’enjeux sont importants, que nos agendas sont surchargés, que de multiples préoccupations nous sollicitent, que nous avons besoin d’établir de claires priorités. Et « avant toute chose » la prière qu’elle soit individuelle ou communautaire devrait tenir la première place. En pratique, je dois reconnaître humblement que je ne le vis pas ainsi. Bien de fois, je dois moi aussi lutter pour garder cette priorité.

A l’heure où nos réunions en Eglises sont impactées par la crise sanitaire, notre communion fraternelle étriquée, que certaines Eglises ont définitivement renoncé aux réunions de prières habituellement remplies (pardonnez mon ironie), cette exhortation de l’apôtre Paul veut nous encourager à ne pas nous laisser écraser par le poids des préoccupations qui nous étouffent dans ces temps difficiles que nous traversons.

Une prière pour tous

La prière dans la diversité de ces expressions : requête, action de grâce, supplication, intercession, etc. n’est pas seulement vitale pour l’Eglise, mais elle l’est aussi pour tous ceux qui ne font pas partie de l’Eglise, pour tous les humains.

L’apôtre Paul nous invite ici à un élargissement du cœur qui saisit la portée universelle de la prière pour tous les humains. Prier pour tous les humains, c’est croire, en effet, qu’aucune personne sur cette terre, n’est et ne doit être exclue de la sphère de la prière de l’Eglise. Prier pour tous les humains c’est croire que l’action de Dieu ne se limite pas seulement à la vie de celles et ceux qui croient en lui. Pour paraphraser une interpellation du Christ : si nous prions seulement pour ceux qui croient en Dieu, Si nous prions seulement pour ceux qui prient aussi pour nous, que faisons-nous d’extraordinaire, de différent de l’esprit du monde avec son « entrisme » et son « commerce d’intérêts » de gré à gré ?

Prier pour tous, c’est déjà, avec le Christ, faire advenir le ciel sur la terre. Parce que la logique du ciel refuse de distinguer sur qui va briller le soleil, sur qui va tomber l’eau du ciel… Ainsi, notre père qui est dans les cieux, fait-il briller son soleil et pleuvoir, indistinctement, sur les bons et sur les méchants. C’est l’antique doctrine de « la grâce commune » qui s’étend ici aussi à la prière pour tous les humains.

A la une du dernier numéro de l’hebdomadaire protestant Réforme on peut lire « Crise sanitaire, où en est le moral des Français ? » On peut y lire que si 80% des personnes interrogées par Santé Publique France se disent heureux, l’impact de la pandémie met à mal le moral de beaucoup. Fatigue, incertitudes, épuisement, colère… D’où l’afflux chez les professionnels de santé mentale de personnes de plus en plus fragilisé psychologiquement : « Outre les personnes ayant des antécédents, les catégories les plus vulnérables à cette dégradation sont, selon Santé Publique France, les 18-24 ans, les inactifs –dont les aînés, les personnes en situation financière difficile, ainsi que les personnes passées par les services de réanimation » A cette liste s’ajoute de plus en plus d’adolescents avec dans certains cas des pathologies sévères.

Nous pouvons prier ce matin pour toutes ces personnes qui ne voient pas arriver le bout du tunnel, qui sombrent dans la désespérance. Nous pouvons ajouter à cette liste tous les soignants exténués par ces deux années de pandémie et par la désorganisation de l’hôpital. Pensons également à ses enseignants et aux parents confrontés à cette désorganisation quotidienne au rythme des protocoles sanitaires.

Une prière pour les autorités

Les autorités aussi importantes soient-elles appartiennent d’abord à cette catégorie de « tous les humains ». Le poète avait juste : « Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes. Ils peuvent se tromper comme les autres hommes. » (Pierre Corneille)

C’est au regard, cependant, de l’importance des fonctions et des responsabilités qu’elles exercent, notamment des conséquences que leurs décisions peuvent avoir sur la vie et la cohésion sociale que l’apôtre Paul nous invite à prier spécifiquement pour ces autorités.

Il faut se rappeler qu’à l’époque où Paul écrit cette lettre à Timothée, c’est sans doute Néron qui est sur le trône de Rome. Un cynique personnage à l’origine des premières persécutions des chrétiens. Les historiens supposent que l’apôtre Pierre aurait fait partie des victimes de la persécution lancée par Néron contre les chrétiens après l’incendie de Rome en 64. Pour faire taire ceux qui l’accusaient d’avoir lui-même mis le feu à Rome, Néron aurait cherché des coupables parmi les éléments étrangers de la population et aurait trouvé une cible toute désignée, à qui faire porter le chapeau… Et c’était des chrétiens, comme vous et moi !

Certains chrétiens pensent qu’il ne faudrait prier que pour les autorités qui votent des lois compatibles avec la foi chrétienne. Ils ne veulent prier que pour des autorités qui établiront, en quelque sorte, la « cité de Dieu »  à la place de la « cité de la terre » qui cultive « l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu » (Saint Augustin).

L’exemple et l’exhortation apostolique dément une telle attitude. La portée universelle de la prière inclue la prière pour les autorités, sans distinction, les justes comme les méchants. Prier pour les autorités, c’est croire qu’ils ne sont pas en dehors de la portée de la main souveraine de Dieu, qui tient le cœur des humains entre ses mains. Relisons un peu le livre de l’Exode ou le livre de Daniel et nous verrons que  la souveraineté de Dieu ne s’arrête pas devant les marches des palais des souverains de ce monde. La souveraineté de Dieu ne s’arrête pas sur le perron de l’Elysée ! Nous croyons au contraire que notre Dieu tient le monde entier entre ses mains, et que le véritable Souverain des souverains, celui qui a reçu de Dieu le Père,  le sceptre royal symbole de son règne, qui n’aura pas de fin, c’est Jésus, le Christ !

En attendant la plénitude de la manifestation de ce règne sur la terre, le Christ lui-même nous a enseignés « Rendez à César ce qui est César et à Dieu ce qui est à Dieu. »

… afin que nous puissions mener une vie tranquille, paisible, respectable, dans un parfait attachement à Dieu.

Toutefois, prier pour les autorités, leur rendre le respect dû à leur rang, n’est pas une invitation à une soumission aveugle. Nous prions pour les autorités et restons vigilants pour les interpeller quand la cohésion sociale, les libertés individuelles fondamentales, l’éthique sociale ou la justice est menacée.

Quand l’Eglise perd de vue sa loyauté première à l’égard de Dieu et « s’acoquine » avec le pouvoir politique, elle court le risque de tomber dans des compromissions douloureuses et honteuses, c’est l’histoire qui nous l’apprend. L’exemple de l’Eglise d’Allemagne pendant la période Nazie n’est pas si loin de nous.

Notre désir d’évoluer dans un contexte tranquille et paisible, ne doit pas nous faire oublier que nous avons aussi une responsabilité de « vigie », de sentinelle qui prévient du danger qu’il voit arriver de loin. Ainsi, nous prions pour nos autorités en étant lucides face aux dangers de notre temps. Nous pouvons lire dans le livret de cette semaine universelle de prière :

 « Alors que la persécution des chrétiens s’intensifie dans certains pays (l’index mondial de persécution 2022 sera dévoilé le 19 janvier par Portes Ouvertes), nous sommes reconnaissants pour les libertés dont nous bénéficions en France : liberté de pensée, de conscience, d’expression et de religion. Nous constatons cependant que la société française évolue et que certains équilibres bougent, sous pression de l’individualisme croissant, du contexte sanitaire ou de menaces terroristes. La liberté de se rassembler ou l’expression des convictions chrétiennes peuvent faire l’objet de nouveaux arbitrages. Nous l’avons vécu de manière momentanée lors de l’État d’urgence sanitaire, et de manière pérenne avec une laïcité qui devient «laïcité de surveillance» renforcée qu’elle est par la loi confortant le respect des principes républicains. Le principe de laïcité et la loi de 1905 tels que nous les connaissions ont été modifiés, instaurant un régime de contrôle renforcé sur les associations qui exercent le culte, quelle que soit leur forme juridique. Sur différents sujets, l’expression publique de nos convictions bibliques est rejetée, et nos valeurs sont marginalisées au sein d’une société sécularisée qui tend à masquer les opinions minoritaires. À titre d’exemple, la loi de bioéthique votée en août 2021 modifie l’accès à la PMA en présentant l’enfant comme un « projet parental », au détriment du statut de l’enfant. Si nous n’avons pas la volonté d’instaurer une société chrétienne en France, nous souhaitons cependant témoigner de notre idéal d’une société respectueuse de la liberté de tous, de la dignité humaine et de l’environnement. »

Nous ne confondons pas « cité de Dieu » et notre société. Nous attendons, quant à nous, une autre cité, et nous disons comme le Christ nous l’a enseignés : « Que ton règne vienne ! » et l’Eglise du Christ s’écrie : « Maranatha ! Viens Seigneur Jésus ! »

En attendant, nous nous engageons dans la recherche du bien pour tous. Nous recherchons dans cette perspective aussi le bien de la cité dans laquelle le Seigneur nous donne de vivre. Ce faisant, nous ne cherchons pas d’abord à plaire aux êtres humains, mais à Dieu qui veut que tous soient sauvés.

… Car Dieu veut que tous soient sauvés

La finalité de l’exhortation apostolique à prier pour tous, nous est communiquée ici : Dieu veut que tous les êtres humains soient sauvés. Ce Dieu d’amour ne fait point acception de personne. Il n’y a plus ni Juifs, ni Grecs ! L’universalité de l’amour de Dieu et de l’offre de son salut nous rappelle que Dieu veut sauver tous, y compris ceux qui ne fréquentent pas nos Eglises.

Un texte fondamental que nous aimons citer dans nos Eglises évangéliques est celui de Jean 3.16-17 : « Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que toute personne qui croit en lui ne périsse pas, mais qu’elle ait la vie éternelle. Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui »

Et nous prenons part à cette œuvre par notre témoignage et nos prières. Nous annonçons, sans distinction de personne, Jésus-Christ, comme l’unique médiateur entre Dieu et l’humanité. Lui qui se tient à la fois du côté de Dieu et du côté des hommes. Pleinement Dieu et vraiment homme, il est venu donner sa vie, pour notre salut. Sa mort expiatoire et rédemptrice est efficace pour sauver ceux qui, aujourd’hui encore, quel que soit leur statut social, quelle que soit leur place dans la société, reçoivent par la foi Jésus comme leur Sauveur et Seigneur.

En conclusion

L’exhortation de l’apôtre Paul nous rappelle que l’Eglise ne se préoccupe pas seulement de ses membres. Elle s’intéresse aussi à la cohésion sociale, au bien vivre ensemble, et plus que tout à la destinée finale de chacun. Elle prie pour tous les êtres humains, notamment pour les autorités dont elle reconnaît la légitimité et les responsabilités importantes qui reposent sur elles. Elle prie le Seigneur de leur donner sagesse et discernement dans la prise des décisions, et en même temps, l’Eglise reste vigilante comme une sentinelle, elle garde les yeux ouverts sur notre pays et sur le monde pour alerter du danger. Elle n’a pas un projet politique, elle sait que la « cité de Dieu » reste l’œuvre de Dieu et prie pour que son règne vienne ici-bas, règne de justice et de paix ! C’est pourquoi, elle proclame Seigneur et Sauveur, ce Jésus qui a donné sa vie, pour le salut de tous ceux qui, par la foi, font appel à lui. Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs. Amen !


Auteur : Paul EFONA, pasteur de l’EBGE