UNE CERTAINE CULTURE DU SILENCE


LES ÉGLISES FACE AUX VIOLENCES CONJUGALES | PARTIE 2 |

 

Les révélations successives des agressions sexuelles sur mineurs et sur des religieuses commis par certains prêtres de l’église catholique ont conduit, entre autres, cette dernière à reconnaître au sein de l’institution une culture du silence devenue mortifère pour les personnes agressées. Ce faisant, elle s’est couramment montrée davantage soucieuse de sa réputation et de la protection de son clergé, et moins préoccupée par la douleur des victimes ravagées par ces agressions. Oserons-nous admettre que les assemblées évangéliques, elles aussi, sont imprégnées d’une certaine culture du silence ?

Par culture de silence, nous faisons référence à un corpus d’idées ou de traditions, verbalisées ou non, intériorisées par les membres d’un groupe, au point où la parole de ceux-ci est entravée et confinée à l’intérieur du groupe. En ce qui concerne nos assemblées, nous cherchons à comprendre pourquoi la parole des victimes de violences conjugales est restée si longtemps inaudible.

Le silence du déni

Dans son discours cité plus haut, le Premier ministre a évoqué le déni de la société française face aux violences conjugales comme une « incapacité à regarder cette horreur en face ». Les violences conjugales ne connaissent pourtant pas de frontières. Elles ne s’arrêtent pas à la porte de nos communautés, qui cependant ont longtemps fait comme si elles étaient imperméables à cette réalité sociétale. Ce faisant, nous avons laissé croire que celles-ci ne concernaient pas les foyers chrétiens. Si les ouvrages de préparation au mariage abordent presque toujours les thèmes relatifs à la communication et à la gestion des conflits, force est de constater que la réflexion autour de la violence d’une manière générale est occultée. Les agressions dans le couple, certes plus médiatisées aujourd’hui, sont pourtant présentes au sein des foyers, y compris des chrétiens. Comment expliquer que nous nous soyons moins préoccupés de cette question, tandis que des prédications sur la sexualité préconjugale et le divorce ont parfois saturé l’espace d’enseignement dans nos assemblées ?

Un chrétien, homme ou femme, qui n’entend jamais parler de la maltraitance au sein du couple tout au long de son cheminement au sein d’une communauté, finit par intérioriser l’idée que cette réalité n’existe pas pour les chrétiens. Dès lors, comment parler de ce qui ne devrait pas exister dans ce milieu ? C’est ainsi que se construit le déni, cette protection illusoire.

Le linge sale se lave en famille

L’importance que nous accordons au développement des relations fraternelles est une qualité de nos assemblées. La métaphore biblique de l’Église comme famille de Dieu colle bien à la réalité du vécu des communautés évangéliques. Les relations fraternelles y sont significatives, parfois même plus importantes qu’avec les membres de nos familles humaines. Le revers de la médaille, c’est la dérive de l’entre-soi qui n’est jamais loin.

L’idée que le « linge sale se lave en famille » est symptomatique de cette logique insulaire. Elle trouve un terreau très propice dans des milieux évangéliques où l’on considère par exemple que les agressions, telles les violences conjugales, lorsqu’elles impliquent des chrétiens, devraient être gérées uniquement au sein de l’assemblée. La peur du scandale vis-à-vis du monde, nourrit la logique autarcique qui conduit ordinairement à une gestion interne des maltraitances, au risque d’aggraver l’état des victimes.

Paul EFONA, pasteur et conseiller conjugal et familial


Pour aller plus loin :

 

Violences conjugales : Les identifier pour agir en Eglise